Un pôle culturel dynamique en milieu rural

Pourtant habitée par seulement 4500 âmes, la ville Pluméliau-Bieuzy, en Bretagne, s’est dotée d’un pôle culturel en 2020 : Les Imaginaires. De nombreux travaux ont été nécessaires pour ouvrir ce lieu. Il accueille désormais une médiathèque, un auditorium et une Micro-Folie. La mairie mise sur ces diverses activités pour attirer les habitants et créer une dynamique sur le territoire. Rencontre avec Gwenael Gosselin, adjointe à la culture, à la communication et au tourisme.

Pourquoi avez-vous souhaité développer l’offre culturelle de votre commune ? 

C’est une volonté qui date du mandat précédent, sachant que le maire a été réélu. La volonté du maire pour ce second mandat était de mettre l’accent sur la construction d’une offre culturelle. La culture a été séparée de sa commission initiale (Culture, sport et animation) pour en faire une à part entière, avec la communication et le tourisme. Il y avait notamment le souhait d’offrir un espace médiathèque aux normes et plus grand.

Le pôle culturel s’est installé dans un ancien presbytère. Quelle a été la réflexion d’aménagement de ce lieu ?

Ce bâtiment était présent. Il fallait le rénover, le faire vivre et générer un flux sur un espace différent de celui de la mairie. Le projet de départ était d’y insérer une médiathèque. Il y a eu un énorme souci au départ du chantier de rénovation : un incendie électrique a détruit les combles. Donc nous n’avions plus le choix que de tout rénover. Finalement, l’espace médiathèque a été conservé au rez-de-chaussée. Puis, nous avons créé un auditorium à l’étage, qui comprend la partie comble. L’équipement a été terminé et ouvert en février 2020, de façon très brève à cause de la pandémie.

C’est donc un lieu où de multiples activités culturelles sont possibles…

L’utilisation de cet espace est venue dans un second temps, après la construction, à cause de l’accident sur le chantier. Il a entrainé une prise de décision très rapide pour savoir si nous devions reconstruire deux étages ou un seul. L’auditorium permet d’organiser des concerts, des conférences, on peut le louer aussi. Il faut être à même de générer quelques rentrées financières. La réflexion a été de se dire : tout ça c’est très bien mais qu’est-ce qu’on peut faire pour que cet espace ne soit pas qu’une médiathèque qui accueille son public habituel ? Il a été question rapidement d’accueillir une micro-folie en partenariat avec La Villette et le Ministère de la Culture. 

Quelles ont été les étapes de mise en place de cette Micro-Folie ?

Entre le printemps et la fin d’année 2020, nous avons travaillé à distance avec l’équipe de La Villette. Je les ai contactés et ai eu un retour assez rapide. Ils m’ont fourni le cahier des charges pour l’installation de la micro-folie. Il se trouve que nous avions une grosse part du matériel nécessaire. Le très gros, c’est l’écran et le vidéo projecteur et l’auditorium était équipé de ça. Ensuite, rapidement, il a fallu interroger des fournisseurs sur le matériel manquant. J’ai présenté le budget en bureau et en conseil municipal. C’était un investissement pas prévu au départ mais quand on a l’opportunité de faire des choses un peu innovantes, avec un caractère assez particulier, on a trouvé de quoi établir ce budget. C’est passé très rapidement en conseil municipal, puis cela a été validé. Évidemment le développement et la mise en œuvre ont été un peu ralentis car il y a eu les confinements. À partir de février, nous avons pu travailler plus rapidement. Nous avons reçu le matériel, la mise en place s’est faite, on a vraiment fait les premiers tests. 

C’est en partie dû à l’arrivée d’une référente, engagée au niveau de la région Bretagne pour constituer un réseau. Elle a travaillé au développement du réseau micro-folie dans le nord de la France. En parallèle, le programme « Micro-folie » à Paris avait embauché une personne pour tous les aspects techniques. Donc nous avons pu travailler rapidement à partir de février, mettre en œuvre les commandes. L’ouverture est officiellement lancée depuis le mois de septembre.

Quels sont les objectifs du développement de l’offre culturelle ?

Pour une commune de 4 500 habitants, cet équipement est une vraie richesse, notamment en milieu rural. Pour moi, l’objectif c’est vraiment d’avoir une première ouverture, un premier abord. Les habitants pourront ensuite aller jusqu’à Rennes ou à Nantes. Et puis les gens voyagent, mais s’ils vont à Marseille, ils ne pensent pas forcément à aller au Mucem. Nous voulons amener une part de culture sur un territoire où il y a peu de musées. L’offre culturelle est importante mais plus en termes de concert et de théâtre. Et du point de vue numérique, l’offre à 30km aux alentours est assez pauvre donc c’est un moyen de faire un focus sur les usages numériques. 

Comment est constitué le pôle culturel aujourd’hui ?

La Médiathèque est au rez-de-chaussée, sur un plateau de 200 mètres carrés. Elle a été pensée comme un troisième lieu, mais il faut qu’elle reprenne ce rôle. C’est compliqué de dire aux gens de prendre un thé et de s’installer avec un magazine avec toutes les règles sanitaires. À l’étage se trouve l’auditorium avec toutes les possibilités qu’il offre. Notre adjointe à la jeunesse avait développé tout un programme de conférence, c’est typiquement un endroit qui servira pour les activités jeunesse. La micro-folie est pratique car elle se déplace : on peut tout ranger dans une armoire pour avoir d’autres usages dans cet espace. La tribune est également rétractable. 

Pour redynamiser rapidement l’offre culturelle après la crise sanitaire vous avez notamment décidé d’embaucher une personne ?

Elle est arrivée en janvier, évidemment c’est un poste pérenne. C’est une professionnelle des bibliothèques et des médiathèques. Elle a participé au développement d’un réseau en Vendée. Et Pluméliau fait partie d’un réseau de 4 médiathèques. Elle est donc responsable du pôle culturelle et avec la commission culturelle, épaulée par notre chargé de communication. Elle a développé la première programmation qui a démarré en septembre. Nous avons également recruté un jeune homme en contrat PEC pour 30 heures par mois qui seront dédiées à la Micro-Folie : accueil des publics et conception de parcours thématiques. Il commence le 4 novembre. En plus, nous venons de relancer une annonce pour recevoir un service civique.

Vous allez développer des offres avec certains publics sur la commune ?

Il va falloir intégrer ces possibilités et cette offre à l’usage des enseignants. Les écoles seront accueillies en groupe, les classes viendront profiter de la Micro-Folie. Nous sommes persuadés que le public des enfants est important car en découvrant l’outil, ce sont eux qui vont nous amener les parents. Notre responsable du Pôle culturel a rencontré la personne en charge des animations à l’Ehpad et un programme spécialement dédié est en cours d’élaboration : les pensionnaires seront, entre autres, chargés de la conception de la grainothèque. Nous sommes en quelque sorte victimes de notre succès car notre responsable peine aujourd’hui à satisfaire toutes les demandes ! Nous voulons commencer à développer et proposer une offre à la médiathèque, et si ça marche, l’étoffer. Ça ne se fera pas en 1 an mais l’objectif est là. 

L’offre culturelle peut également dynamiser votre territoire et attirer de nouveaux administrés…

On voit arriver de plus en plus de citadin. Le marché est tendu, chez nous il n’y a pratiquement plus rien à vendre. L’arrivée de nouveaux habitants et de nouveaux profils sur la commune justifie cette démarche puisqu’ils arrivent dans une commune et sont à la recherche de ce qu’ils peuvent y faire. Je pense que ça correspondra au futur nouveau public. Et puis pour les habitants de toujours, une activité en plus sur la commune c’est toujours bien. 

Quelles activités proposez-vous dans votre Micro-Folie ?

Dans une commune rurale comme la nôtre, nous ne pouvons pas développer de café associatif par exemple, nous n’avons pas le personnel. Par contre, nous avons acquis deux casques de réalité virtuelle et envisageons d’en acquérir d’autres d’ici la fin de l’année après avoir testé leur qualité et les aspects pratiques (il ne faut pas que les visiteurs bougent trop pour des raisons de sécurité). Nous réfléchirons dans un second temps aux modules complémentaires de type Fablab. À côté du presbytère, il y a un bâtiment occupé par deux associations. Notre tissu associatif est très développé. Nous allons créer un un pôle associatif qui aura presque la capacité d’accueillir les 40 associations de la commune. Le bâtiment à côté du presbytère se libérera, alors nous envisagerons de développer un Fablab à cet endroit.

Vous avez inauguré le pôle culturel le 17 et 18 septembre, soit quelques mois après son ouverture officielle ?

L’arrivée de la responsable, l’ouverture du pôle culturel : tout a été concomitant avec la pandémie. Tout se fait à l’envers. Mais ici la cérémonie des vœux accueille entre 800 et 900 personnes, ce n’est pas un moment rébarbatif. Nous avons essayé de construire cette inauguration de manière à amener les gens et qu’ils situent l’endroit pour venir le découvrir. Environ 1200 personnes ont participé entre le vendredi soir et le dimanche soir.

Quel a été le coût de la mise en fonctionnement de ce pôle ? 

La réhabilitation du bâtiment, qui comprend aussi l’extension du pignon pour l’accès à la médiathèque et à auditorium (avec un ascenseur pour l’accès PMR) a coûté au total 1 443 668.47 € TTC, dont 669 100 € de subventions. La DRAC nous a accordé 277 100 €, le département 125 000 €, la région 76 000 € et la réserve parlementaire 6 000 €.

Nous avons aussi été retenus dans le cadre de l’appel à projet dynamisme cœur de bourg. 185 000 € de l’enveloppe globale ont été dédiés au pôle culturel. C’est la première mise en œuvre importante de cet appel à projet. 

Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer ?

Il faut convaincre les gens. Ne serait-ce que le conseil municipal par exemple. Il faut souligner que ce n’est pas une offre de plus parmi d’autres, mais ce sera celle qui sera le moteur de la vie culturelle de la commune dans les années à venir. C’est à nous dans les mois et les années à venir de trouver notre place. Car l’offre culturelle est développée dans la région mais pas à travers les médiathèques. Nous avons prévu des spectacles, des diffusions de films… Ça va être très complet. Il va falloir communiquer tout le temps à travers les réseaux sociaux, la presse locale pour que les gens intègrent l’offre du pôle culturel. Auparavant les gens qui consommaient de la culture se déplaçaient ailleurs sur le territoire, à Lorient, à Vannes ou ailleurs.

Comment s’est déroulée la rentrée ? Le public est au rendez-vous ?

La rentrée s’est bien passée. Nous avons accueilli 25 nouvelles familles qui se sont abonnées et continuons nos démarches de communication vis-à-vis du public. Notre premier événement de la saison culturelle a eu lieu le mercredi 06 octobre, il s’agissait d’une sieste musicale destinée aux 0-2 ans : représentation complète en matinée et spectacle hors les murs l’après-midi à la crèche. Cette première proposition a été très bien accueillie par les parents, les assistantes maternelles, les professionnels de la petite enfance et les tout-petits bien entendu. Le taux de fréquentation commence à reprendre mais ce n’était pas simple à cause des restrictions sanitaires. À nous de créer des évènements qui vont amener des publics différents pour des usages différents. 

Quel conseil donneriez-vous à une commune rurale comme la vôtre qui voudrait porter ce type de projet ?

Je pense qu’il faut que ce soit une vraie volonté partagée par l’ensemble des élus car il ne faut pas se leurrer, ça a un coût. Pour développer une offre culturelle, il faut faire preuve de pédagogie en permanence. Les gens ne voient que le coût car un pôle culturel ne génère pas des recettes instantanément. Mais c’est la théorie du ruissellement : si on va voir un spectacle au pôle culturel, on va au restaurant, on va découvrir les commerces. Le Cairn considère que 1€ dépensé dans la culture c’est 5€ dans l’économie locale. Cette offre va générer une image de commune dynamique, donc on a envie de s’y installer, donc on achète, on fait construire, donc ça génère des entrées dans les caisses communales, ça fait fonctionner les commerces et en développer d‘autres. C’est une offre en lien avec tout le développement de la commune. Il faut beaucoup l’expliquer car souvent, pour être honnête, il y a des réticences.