À lire : « Comment s’occuper un dimanche d’élection »

Dans un petit livre paru un mois avant l’élection présidentielle, l’écrivain François Bégaudeau oppose le geste politique au vote. Sans faire de l’abstention un étendard, il détaille la mécanique à l’œuvre dans l’élection pour défaire un certain nombre d’idées reçues.

François Bégaudeau a l’abstention molle. « Je ne vote pas et pourrais aussi bien voter, écrit il. Comme je pourrais vivre dans une autre ville que Paris, m’abonner ou non au théâtre municipal de cette ville, équiper mon nouvel appartement d’une box SFR ou Free. L’abstention fait partie de ces choses, nombreuses, que je pratique sans les professer. » Puisque sommé de se justifier, il martèle : voter, acte solitaire, silencieux et secret, est le contraire de l’action politique.

Dans un petit livre d’à peine plus de 100 pages, qui mêle quelques réflexes d’essayiste à son tropisme littéraire, voire à quelques promenades poétiques, l’écrivain fait bien plus que répondre aux accusations habituelles qui tombent sur les abstentionnistes. Il s’y arrête quelques pages tout de même, le temps d’arguer que « la question de voter ou non ne porte aucun enjeu », et de préciser qu’il ne fait pas de son abstention un mantra à diffuser. « Je suis un abstentionniste non-prosélyte. Je ne fustigerai pas un votant, pas plus que je ne tiendrai un non-votant pour un camarade. Le vote ne devient un sujet que si les votants en font un sujet. »

« Montrer aux électeurs ce qu’ils font quand ils élisent »

Mais c’est bien ailleurs que se situe le cœur du livre. Non dans une autojustification vaine donc, encore moins dans un discours d’apôtre du non vote, mais dans l’éclaircissement de ce que voter veux dire. De ce que ça implique. De ce que ça valide. « Nombre de votants aspergent de sermons les non-votants, taxés d’incivisme, d’irresponsabilité, d’immaturité, d’individualisme. Les non-votants manquent à leur devoir de citoyens. Ils galvaudent la souveraineté politique qui leur a été gracieusement offerte par la démocratie. C’est ici qu’on est soudain tenté d’entrer dans le débat. De montrer aux électeurs ce qu’ils font quand ils élisent. D’observer qu’alors ils font tout sauf de la politique. »

Commence alors un travail pour faire place à l’idée que le vote n’est pas une question centrale de la politique, ou même plus précisément n’est pas une question politique du tout. Et surtout tordre le cou à quelques clichés fredonnés à l’envie, des gens qui sont morts pour ça jusqu’au rêve de victoire d’une gauche consistante dans un système inventé par et pour les bourgeois. Sans jamais tomber dans la leçon cuistre, mais avec un plaisir non dissimulé et absolument pas coupable. « Le dimanche 10 avril, pendant que d’autres éliront un.e candidat.e plus ou moins raciste mais impeccablement loyal.e aux marchands, nous irons marcher le long du canal de l’Ourcq. L’air sera doux et le corps léger. »

Comment s’occuper un dimanche d’élection 
de François Bégaudeau
Paru le 11.3.22
136 pages
14 euros
ISBN : 9791097088484