Sujet brûlant et complexe, l’encadrement de la fin de vie mêle l’aspect médical, juridique, psychologique et même philosophique. En France, certaines mesures ont évolué, mais la loi ne permet pas d’aller aussi loin que chez certains de nos voisins.
Depuis 2002, avec la loi Léonetti, l’avis du patient en fin de vie est de plus en plus pris en compte. Le médecin n’est plus seul juge de l’état du patient et l’acharnement thérapeutique est prohibé. De nouvelles propositions de loi sont régulièrement avancées à l’Assemblée, la dernière date du 19 janvier 2021. Elle imagine « un cadre juridique précis, qui n’incite pas à cette pratique (aide active à mourir), mais qui fait passer par-dessus tout ce qui devrait toujours primer dans le domaine de la santé : la volonté du patient ». Tout l’enjeu réside désormais dans l’acceptation ou non de l’aide active à mourir, qui proposerait au patient une mort rapide en cas de « souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’il juge insupportable ». Plus de 3 000 amendements ont été déposés et cette proposition n’a finalement pas été acceptée.
La dernière révision de la loi date de 2016 en France. Elle intègre notamment la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Cette sédation est critiquée car elle endort le patient profondément en arrêtant l’hydratation et l’alimentation, jusqu’à ce que la personne s’éteigne. Un processus différent de l’euthanasie, où un cocktail létal est donné à la personne, qui s’éteint immédiatement. Des directives anticipées ont également été ajoutées à la loi. Elles représentent l’avis du patient sur les conditions de sa fin de vie, auquel le médecin ne peut pas déroger. Si le patient se retrouve dans une situation où il ne peut plus s’exprimer, ce sont ses directives qui s’appliquent. Elles sont modifiables à tout moment. Toute personne majeure peut également désigner une personne de confiance. Même si elle n’aura pas accès au dossier médical, elle s’engage à s’exprimer pour elle dans le cas où celle-ci ne pourrait plus le faire. Dans la loi de 2016, la personne désignée de confiance doit également accepter de jouer ce rôle.

Des mesures qui ne vont pas assez loin pour certains mais que Valérie Depadt, membre de la Commission Sicard (commission de réflexion sur la fin de vie) en 2012, défend : « Ce qui me parait dur c’est de reconnaître l’appel au secours de la volonté réelle. Je ne suis pas psychanalyste ou psychologue mais dans la commission Sicard on a entendu les gens. Si j’ai appris une chose c’est aussi que le sursaut de vie existe. Beaucoup de personne l’ont, d’où la difficulté des directives anticipées. Les gens nous disent : ”Si je suis dans un tel état, je préfère mourir”. Mais une fois qu’ils y sont, ils veulent vivre car leur vie a encore un sens ». Selon elle, ces directives sont encore trop peu connues du grand public et ont du mal à se développer en France.
À l’étranger, d’autres options
Chaque année, des personnes partent à l’étranger pour mourir. Encore en possession de leurs moyens, elles préfèrent partir avant que les souffrances ne deviennent insupportables. En 2001, 2002 et 2009, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ont légalisé l’euthanasie. Le patient doit être conscient et des médecins doivent émettre un avis favorable. En Suisse, le suicide assisté est dépénalisé, les patients doivent s’administrer eux-mêmes la dose létale. Dans la proposition de loi faite en France en début d’année, les parlementaires s’appuyaient sur ces exemples : « Il ne s’agit pas pour autant d’inciter à la pratique de cette aide active à mourir, mais bien de l’encadrer. C’est en régularisant tous les protocoles médicaux existants pour la fin de vie, que nous pourrons l’améliorer. Pour preuve, depuis l’instauration de ces lois de 2002 en Belgique, seulement 4 % des décès annuels résultent d’une aide active à mourir ».
Cette année, l’Espagne a également franchi le pas, mais avec des règles très strictes et l’instauration d’une commission indépendante composée de juristes et de médecins. En Suède, Norvège, Autriche et Allemagne, la loi est similaire à celle appliquée en France. Dans ces pays, comme en Italie, en Irlande ou au Portugal, des négociations sont en cours pour faire évoluer la loi.

En France, nombreux sont les exemples de personnes parties à l’étranger pour mourir. Et dans l’esprit collectif, on se souvient de souffrances sans issues exposées médiatiquement, comme pour Vincent Lambert. Dans ce cas précis, des procès ont eu lieu, mais sans jamais entendre l’avis du principal concerné. Valérie Depadt l’analyse ainsi : « La douloureuse histoire de Vincent Lambert quant l’application de la loi du 2 février 2016 ne doit pas conduire à conclure à la nécessité d’une révision. Car aucune loi ne répondra correctement à l’ensemble des situations de fins de vie médicalisées et, quels que soient les termes des textes légaux et réglementaires, certaines se dérouleront de façon exceptionnelle. […] Les prescriptions de la loi qui imposent une procédure collégiale, la possibilité d’un recours de la décision et la prise en compte de la volonté du patient au travers du témoignage de ses proches, dont son épouse, sont autant de marques de prudence du législateur confronté à l’un des sujets les plus délicats du domaine de la loi ».
Délicat, dans une certaine mesure tabou, et pourtant primordial. D’ailleurs, les Français ont beaucoup avancé sur cette question ces dernières années. Selon divers sondages réalisés en 2019 et 2020 par l’Ifop, si la priorité reste de « ne pas subir de douleur » et de « ne pas faire l’objet d’un acharnement thérapeutique », 95% des sondés sont favorables à une loi autorisant les médecins à accompagner vers une fin de vie choisie les « personnes souffrant de maladies insupportables et incurables » qui en feraient la demande.