Mise en place depuis 2017, la mutuelle communale de Bourg-en-Bresse a connu un succès croissant. Elle est ouverte à tous les habitants résidents dans la ville. Avec un tarif réduit de 5% par rapport aux autres mutuelles du territoire, elle permet de couvrir les foyers précaires, notamment les retraités. Ce dispositif, géré par un professionnel, ne coûte rien à la commune. Ce partenariat permet en outre à la mairie de collecter des informations intéressantes sur sa population, et ainsi d’orienter ses politiques publiques. Pour en savoir plus, nous avons interrogé Nadia Ouled-Salem, élue en charge de la solidarité, du lien intergénérationnel et de la santé publique de la ville de Bourg-en-Bresse.
Quelle est la genèse du projet ?
Depuis 1998, le CCAS intervenait dans le cadre d’une aide à la complémentaire santé pour les personnes en difficultés financières. Au fur et à mesure de l’évolution du dispositif, nous avons créé un groupe de travail avec les habitants pour définir de nouvelles actions.
Nous voulions leur donner la parole, comprendre quelles étaient leurs réflexions. Nous avons composé un échantillon représentatif de la population à travers les membres des associations représentatives du CCAS. C’était en 2015. Ils ont fait une proposition de facilitation de l’accès à une complémentaire santé pour tous les habitants.
Quelles ont été les étapes de mise en place ?
Nous avons travaillé et reformulé le projet. Cette proposition a été retenue en fin d’année 2015 par le conseil d’administration du CCAS. Ensuite, le maire et son équipe l’ont validé au premier trimestre 2016. Le but était alors d’avoir une mutuelle communale en partenariat avec une mutuelle locale, pour pouvoir proposer un lieu d’accueil au public. Donc il y a eu un appel à candidature auprès des organismes de mutuelle. Il était assez large, notre objectif était de couvrir tout le monde, proposer un service pour tous. Nous avons contacté 18 mutuelles locales et 4 ont répondues. Deux offres ont été retenues pour analyse. Finalement, nous avons choisi ADREA. La mise en route s’est effectuée au premier janvier 2017.
Pourquoi avoir choisi ADREA ?
Elle ne proposait pas de garanties et l’offre tarifaire était de -5% par rapport aux autres. En plus, elle propose plusieurs contrats par foyer, chaque membre de la famille peut en avoir un adapté à sa situation. Nous travaillons avec un organisme qui s’adapte aux besoins du territoire et de ses habitants.

Comment fonctionne la mutuelle ? Quels sont les critères pour y avoir accès ?
Il faut juste être habitant de la commune de Bourg-en-Bresse. Donc présenter un justificatif de domicile. Dans ces dispositifs, il faut aller au plus simple. Nous sommes dans un secteur concurrentiel. L’objectif pour nous, en tant que collectivité, c’est d’être dans la simplification. Nous répondons à un besoin car beaucoup de foyers étaient sans mutuelle.
Pourquoi selon vous ? Et comment le saviez-vous ?
De nombreuses personnes venaient demander au CCAS de l’aide pour payer une partie de leurs frais de mutuelle. Soit ils sortaient d’un dispositif, et par ignorance ne savaient pas qu’il fallait reprendre une mutuelle. Soit la mutuelle était une grosse partie du budget familial, et quand il faut sabrer le budget, ils estiment que les frais de mutuelle sont accessoires.
Quelle est concrètement la différence de prix avec une mutuelle classique ?
La ville n’est pas devenue un professionnel de la mutuelle. Mais ADREA a proposé un tarif préférentiel de 5%. Sur une mutuelle à 1 500 €, par exemple, pour un couple de personnes âgées, c’est beaucoup.
Quels sont les autres avantages d’une mutuelle communale ?
Sans doute un accueil un peu privilégié. Il y a déjà une information faite au niveau de l’accueil de la maison sociale. C’est sur le site internet de la ville aussi. Une première étape est franchie. Après, la mutuelle fait son travail pour aider les gens à choisir les différentes garanties. Comme nous nous adressons à un public précaire, nous réalisons toute la phase d’information pour qu’ils franchissent le pas.

Quel est le profil des personnes ayant recourt à la mutuelle communale ?
La répartition des bénéficiaires par les statuts est la suivante : 45% de retraités, 20% de salariés et 19% d’inactifs. Il y a peu de cadres ou d’agents hospitaliers. La situation des retraités est importante car ils changent de régime, c’est à ce moment-là que la mutuelle coûte plus cher.
Comment sont-ils au courant que cette mutuelle existe selon vous ?
Je pense qu’ils viennent car ils en ont entendu parler sur le site internet de la ville. Nous avons réalisé une grande campagne de communication en 2017. Et une fois par an sur nos panneaux publicitaires en ville. Mais il y a encore des gens qui ne savent pas. Par contre, tout ceux qui passent par le CCAS dans le cadre d’une aide financière pour une facture d’eau, d’électricité ou des frais médicaux sont informés.
Quelle réflexions menez-vous pour continuer de développer ce projet ?
Nous sommes en train de réfléchir pour anticiper une augmentation des demandes. Pour donner un ordre de grandeur, en 2020, 360 personnes ont contacté ADREA pour un devis santé dans le cadre de notre convention. Il y a eu 160 adhésions. Nous n’avons pas d’objectifs chiffrés car nous ne fonctionnons pas comme ça, mais nous avons recruté une personne. Elle est arrivée au 1er janvier au CCAS. Elle va avoir pour mission de favoriser l’accès aux droits : soins santé, CPAM et la complémentaire. Notre souhait c’est que les personnes soient le plus souvent bien couverte. Nous retrouvons encore des personnes dans nos commissions au CCAS qui ont jusqu’à 600€ de frais de santé qu’ils n’arrivent pas à payer. Nous sommes là pour compléter l’offre des mutuelles présentes sur le territoire car nous savons que certaines personnes ne franchiront pas les portes sinon.
Quelles sont vos relations avec le prestataire, ADREA ?
Nous faisons régulièrement un bilan. L’objectif est aussi de voir comment est représenté le dispositif. Si une personne arrive chez ADREA, est-ce qu’on lui présente l’offre communale si elle est éligible ? Maintenant, nous savons que oui.
Avec ces bilans, nous connaissons l’évolution des offres et des garanties de la mutuelle. Nous savons déjà qu’ils vont moins faire de promotions en 2021. Donc les -5% auront encore plus de sens. Et c’est également important pour nous de savoir si les personnes envoyées vers eux sont allées au bout de la démarche.

Quel est le coût de ce dispositif ?
Ça ne coûte rien à la commune. Il n’y a pas de transaction financière, nous leur amenons des clients. Pour la communication, c’est notre service interne. C’est du temps agent mais ça fait partie du job. C’est notre service action sociale qui s’en occupe. C’est pour ça que ce n’est pas un outil qui doit être porté par une commune. C’est très technique, il faut s’appuyer sur un réseau professionnel.
Quels obstacles avez-vous rencontré dans la mise en place du projet ?
La mise en route n’est pas simple car c’est un nouveau métier, les agents ont une nouvelle mission. Il faut orienter, expliquer, être précis. Aussi, sur 18 mutuelles, nous n’avons eu que 4 réponses. Elles sont dans leurs objectifs. Je ne pense pas que ce soit un manque de solidarité mais plutôt de temps.
Quel est l’impact sur le territoire ? Combien de bénéficiaires profitent de cette offre ?
En 2018, nous avions 175 bénéficiaires et 114 foyers. En 2019, 218 bénéficiaires pour 143 foyers et en 2020, 257 bénéficiaires et 178. Nous savons que le CCAS est régulièrement interrogé par d’autres communes sur ce dispositif. Cela prouve que c’est un bienfait pour notre territoire.
Nous avons aussi pu prendre conscience de certaines difficultés. Par exemple, les retraités n’étaient pas forcement le public de base auquel nous avions réfléchi lors de la mise en place du projet. Nous pensions plutôt aux précaires, aux inactifs, aux salariés à faible revenu. Ceux que nous retrouvons en deuxième et troisième position. Mais nous nous sommes rendu compte que les aînés subissaient une baisse de revenu à la retraite, donc des accompagnements sont nécessaires.
Quel conseil donneriez-vous à une commune qui souhaiterait mettre en place une mutuelle communale ?
Mon ressenti est qu’il faut y aller. C’est un vrai service que peut proposer la commune à ses citoyens. En plus, il n’y a pas d’impact budgétaire. Ça permet de développer un partenariat avec l’organisme et dans ce cadre, collecter des informations pertinentes sur les usagers : les âges, les choix de garanties. Est-ce qu’ils préfèrent être bien protégé ou se protéger à minima ? Avec le contexte sanitaire, est-ce qu’ils ont augmenté leurs garanties ou pas ? C’est un outil très intéressant.