Chaque mois, Impact(s) vous propose de (re)découvrir des produits culturels en lien avec sa thématique mensuelle. Livres, films, podcast : différents supports, différents publics. Nathan Hallegot vous propose sa sélection autour de la culture LGBTQIA+.
À voir
Les engagés – Sullivan Le Postec (depuis mai 2017)
Au PointG, un centre LGBT situé sur les pentes de la Croix Rousse à Lyon, une multitude de profils appartenant à la culture queer se croisent, échangent, se disputent et s’aiment à dessein social et politique. Cette websérie diffusée sur Youtube s’étend sur deux saisons (pour le moment) subdivisées par deux fois vingt épisodes de dix minutes, débute lorsque Thibaut (Éric Pucheu), un des militants les plus actifs de l’association voit son quotidien bouleversé par l’arrivée d’Hicham (Mehdi Meskar), un jeune homme qui a fui Saint-Etienne et sa famille qui l’étouffent pour vivre sa sexualité au grand jour. Si la premiere saison est majoritairement centrée sur le coming-out d’Hicham, la deuxième saison est davantage politisée. Elle évoque des problématiques contemporaines de la culture queer comme l’accueil de réfugiés LGBT ou le changement d’état civil pour les personnes trans.
Le secret de Brokeback Moutain – Ang Lee – (2006)
Été 1963, Wyoming, États-Unis. Ennis del Mar (Heath Ledger) et Jack Twist (Jack Gyllenhaal), deux cow-boys sont engagés par le Farm and Ranch Employment, l’un en tant que berger et l’autre comme responsable de camp. Ils sont assignés au même élevage de moutons, dans un alpage qui se situe à Brokeback Mountain. Les deux jeunes hommes qui ont à peine vingt ans se rapprochent jusqu’à ce qu’une relation forte — et bien plus qu’amicale — ne débute entre eux. Malgré cette intense idylle, pour se conformer à la société de l’époque, ils se marient [avec des femmes] et deviennent parents chacun de leur côté. Lorsqu’ils se revoient, quatre ans plus tard, la passion qui les unissait dans la montagne n’a pas disparu. Ils continueront de se revoir épisodiquement pendant quinze entre Brokeback et le Texas avant qu’un malheureux crime homophobe ne les sépare, laissant l’un des deux seul avec ses souvenirs et son secret. Sur les 8 nominations du film aux Oscars, le film en remportera 3.
Mulholland Drive – David Lynch (2001)
Lorsque Betty (Naomi Watts) arrive à Los Angeles pour débuter une carrière d’actrice, elle se lie d’amitié avec Rita, une femme amnésique (Laura Harring) qui a échappé à un meurtre après un accident de voiture. Betty décide d’héberger Rita chez sa tante Ruth, le temps qu’elle puise recouvrer la mémoire et retrouver son identité. Alors qu’elle court les castings hollywoodiens pour ne pas retourner dans son Midwest natal, Betty développe des sentiments pour Rita. La relation n’est pas foncièrement saine et devient insaisissable tant le schéma narratif — entre rêve et réalité — posé par le réalisateur échappe au spectateur. Plusieurs lectures peuvent être proposées dans ce film qui retrace la déchéance de la pureté sur les routes de la cité des anges.

À lire
L’été où papa est devenu gay – Thierry Magnier – (2014)
Alors qu’Arvid, un jeune préadolescent âgé de douze ans se réjouit de passer ses vacances d’été dans un camping de Norvège avec son père — fraichement divorcé — son sentiment est contrarié par la rencontre de Roger et sa fille Indiane. Si les vacances promettaient au pré-ado de passer du temps avec son père autour de balades et de séances de pêche, Arvid y est moins enclin lorsqu’il apprend que Roger est homosexuel.
Non pas que ça l’embête, il n’est pas homophobe mais en voyant son père s’amuser avec cet homme, se comporter avec lui comme un ado, il se rend compte que son propre père est aussi homosexuel. Outre la question de l’homosexualité, ce livre va évoquer la question de la transition entre le monde de l’enfance et celui des adultes. Terrifié à l’idée de perdre son papa et guidé par d’énormes préjugés, Arvin oscillera entre fureur et panique sous le regard amusé d’Indiane.
Call me by your name – André Aciman – (2007)
Été 1987. Elio a 17 ans et passe ses vacances en famille dans une grande maison située en pleine campagne italienne. Ses journées se résument à celles d’un adolescent en quête d’émancipation. Il voit quelques amis, va se baigner, fait du vélo. Mais Elio, mature pour son âge joue aussi du piano et lit beaucoup de livres. Il comble l’ennui comme il peut. Tout va changer lorsqu’Olivier, un doctorant très charismatique au parcours brillant rejoint Samuel [le père d’Elio] pour échanger et travailler ensemble. Elio tombe rapidement en admiration devant cet américain qui lui, prend d’abord le parti de l’ignorer. Jamais pour autant il ne sera question de séduction au sens charnel du terme; leur relation peut être définie par une forme d’amitié particulière, au-delà même de l’amour, une expérimentation des relations humaines guidée par une profonde connexion intellectuelle. Si le film éponyme, tiré du roman a connu un succès mondial, le livre qui l’inspire n’a rien à lui envier en terme de qualité.
Sodoma – Frédéric Martel – (2019)
Quatre ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Frédéric Martel pour pénétrer les arcanes les plus fermées de l’Eglise catholique. Quatre ans d’enquête, 1500 interviews et d’innombrables rencontres au quatre coins de la planète. Au gré de ce roman-enquête, Martel lève le voile sur une Église en perdition dans un univers patriarcal et misogyne gangréné par une hypocrisie assourdissante autour de l’homosexualité. Que se passe-t-il au Vatican ? En public, les plus hautes sphères pontificales défendent et affirment leurs prises de position à l’encontre du mariage gay et plus largement de la communauté homosexuelle. Mais en interne, les discours et actions de nombreux prélats seraient tout autres. Ils agiraient même à l’inverse; faisant du Vatican « la plus grande communauté homosexuelle du monde » au sein de laquelle se mêleraient chemsex, – une pratique qui consiste à avoir des rapports sexuels sous l’emprise de psychotropes – prostitution et harcèlement sexuel.
À écouter
Straight Pride – Marina Rollman
https://www.youtube.com/watch?v=wvK8c2cUHXw
L’idée d’une straight pride ou fierté hétero a été lancée par un groupe qui défend les hétérosexuels comme une majorité opprimée exècre Marina Rollman. Dans un billet d’humeur, elle revient sur les fondements de la « pride », lancée en 1969 après les émeutes de Stonewall; cette lutte contre l’oppression quotidienne que subissent les personnes LGBTQI+ en prenant des exemples concrets (passage à tabac, insultes, diffamation etc.). Sur la même lancée, elle dresse un portrait peu flatteur des homophobes qui — souvent avec des discours sur la famille — tentent de normaliser leur propos alors qu’aujourd’hui la famille n’a plus de schéma type si ce n’est l’amour comme lien unificateur.
Le Queer pour tous – France Culture
« Queer ». Insulte homophobe retournée à son expéditeur, ce mot trouve progressivement sa place dans la langue française bien que proprement intraduisible. Pourtant, ses détracteurs préfèrent l’éluder, trop compliqué sans doute d’expliquer « à tous », selon leurs dires, ce qu’il signifie et surtout ce qu’il porte. Alors ils ont remplacé « queer » par genre. Les attaques ciblées contre la « théorie du genre » se répètent; à l’image des manifestations et insultes observées durant le débat autour de la loi Taubira ou d’un scénario quasi similaire ces deux dernières années à l’aune des discussions politiques autour de la GPA et de la PMA. Il faut alors repenser le mot queer, passer à l’offensive en revendiquant cette culture qui semble bousculer pour certains l’appréhension du monde. Professeur au MIT, Bruno Perreau observe attentivement la manière dont la République française se trouve ces dernières années bousculée par la Nation Queer. Il est l’invité de La Suite dans les Idées. Ilsera rejoint en seconde partie par l’artiste Phia Menard, « dont l’œuvre participe de ce déplacement du regard, de cette révolution épistémologique ».