Depuis 2013, la photographe française Olivia Ciappa agit pour rendre visible les couples homosexuels et les familles homoparentales. Concernée par la sensibilisation du public à cette thématique LGBT, elle parcourt la France et le monde avec ses photos afin de dépeindre une réalité existante.
En 2012, alors que le gouvernement Ayrault cherche — sous l’égide de Christiane Taubira, ministre de la Justice — à promulguer une loi relative au mariage des personnes de même sexe, des milliers de personnes défilent dans les rues françaises pour soutenir ou s’opposer à la mesure. Au-delà de l’union maritale, c’est aussi l’épineuse question de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) ainsi que la Gestation Pour Autrui (GPA) qui divise l’opinion publique.
Pour rappel, la PMA — aussi appelée insémination artificielle — se traduit par un ensemble de pratiques cliniques et biologiques qui vont faire l’objet d’un accompagnement de la médecine dans le processus de procréation (inséminations, fécondations in vitro, transfert d’embryons congelés). La GPA consiste quant à elle à faire porter son enfant par une femme extérieure au couple — une mère porteuse — qui en souhaite la conception. Elle concerne à la fois les couples hétérosexuels (absence ou malformation de l’utérus) et les couples homosexuels. Chaque année, de nombreux couples français ont ainsi recours, à l’étranger, à des mères porteuses pour concrétiser leur désir d’enfant.
« Il y a une invisibilisation totale des familles LGBT en France »
En dépit des sanctions imposées par la loi, il existe en France, depuis les années 70, environ 300 000 familles homoparentales. Pour la photographe, « il y a une invisibilisation totale des familles LGBT en France ». Aussi, c’est pour rendre visible ces familles existantes qu’elle les photographie en noir et blanc, sous le frontispice des « Couples de la Républiques ».
Au travers de 826 photos de vrais couples — hétérosexuels, homosexuels, en situation de handicaps et issus de différentes ethnies — elle raconte des histoires relationnelles au fond très communes. À cette première série de photos s’ajoute celle des « Couples imaginaires », formés par des célébrités appartenant au milieu du sport, du cinéma et parfois au monde politique.
Une exposition six fois annulée
Ce que regrette Olivia Ciappa, c’est que malgré l’existence de ces couples et familles n’appartenant pas au modèle nucléaire, on ne les fasse pas intervenir dans le débat public. Aujourd’hui on a plutôt tendance à mettre en avant des religieux extrémistes que des personnes concernées. Ce travail photographique, qu’elle a commencé seule, sans aide financière de la part de l’État, a fini par intéresser l’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë. Six fois programmée, sa première exposition a été six fois annulée « par peur de froisser certains élus ».
Elle finit par obtenir un aval politique et financier. Exposées sur les grilles du square du Temple dans le 3ème arrondissement de Paris, les photos sont vandalisées à deux reprises durant le vernissage en 2013. Elles seront réimprimées. Six ans après les faits, seules quatre des plus de 200 expositions qui ont eu lieu ont été détruites. « Pour certaines personnes c’est intolérable parce qu’ils savent que rien n’aura plus de pouvoir que l’art, constate Olivia Ciappa. Les gens se permettent de donner leur avis, mais on peut pas donner un avis sur des gens qui existent. »
« Rien n’aura plus de pouvoir que l’art »
Ces expositions ont fini par s’exporter à l’étranger où la photographe a même eu l’occasion de reproduire des « Couples imaginaires » en faisant poser des célébrités locales, au Canada par exemple. À l’intérieur de l’hexagone, son exposition devenue itinérante lui permet de se rendre environ deux fois par semaine dans des collèges et des lycées de banlieue ou de province afin de discuter avec des jeunes de son travail. Si les élèves réservent la majeure partie du temps un accueil favorable à ses photographies — figurant d’ailleurs désormais dans les manuels d’ECJS de 4ème — elle constate aussi une « intransigeance et des avis très violents » dans la bouche de certains jeunes « car pour cette génération qui a grandi avec la Manif pour Tous, être homophobe est presque devenu un combat politique ».
Olivia Ciappa subit une pression quasi-permanente. Son compte Facebook a été piraté et son travail effacé, et elle a subi plusieurs vagues de harcèlement sur les réseaux sociaux. Optimiste, elle continue pourtant de défendre ses convictions. Selon elle, il faut être vraiment aveugle pour ne pas voir ce qu’il se passe, et l’accès à une multitude de fausses informations que permettent les réseaux sociaux exhorte les artistes à militer par une réponse artistique. Sa réponse à elle passera donc par ses photos, ses films, ses livres.