À l’heure où les touristes, davantage sensibilisés, cherchent à limiter leur impact négatif sans renoncer au voyage, l’écotourisme refait surface. Popularisé dès 1970, ce tourisme dit « durable » cache plusieurs réalités, entre réflexions durables et arguments marketing.
Le terme de tourisme durable a (trop) souvent été utilisé à des fins marketing. Vecteur d’émotions fortes et de participation à la préservation de la planète, les entreprises touristiques n’ont pas hésité à s’en servir pour faire venir la clientèle… Alors que les actions prônées comme « durable », « écologique » ou « solidaire » ne l’étaient pas. L’exemple phare de cette dérive est illustré par le volontourisme. Un mot désignant les touristes qui partent en vacances pour réaliser des actions humanitaires. Ils paient des tour-opérateurs pour les conduire vers des pays où ils vont construire des puits ou s’occuper des orphelins. Une pratique qui valorise le touriste mais qui a été pointé du doigt pour ses déviances : des puits défectueux ou de faux orphelins dans des orphelinats. Aujourd’hui encore, la surveillance est peut-être plus accrue pour limiter ces dérives, mais des personnes continuent de payer pour passer leurs vacances à faire de l’humanitaire. Une pratique néfaste sur le plan environnemental, car il multiplie les voyages en avion, mais également sur le plan social, car les actions organisées sont parfois inutiles voire factices.

Sur le plan environnemental, le greenwashing est souvent de la partie dans le milieu touristique. Autre exemple, en 2019, Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde, s’enorgueillit : « Notre entreprise, sur ses 300 000 clients par an, atteint le ‘carbone neutre’ en plantant plus de 4 000 arbres par jour. Si nous, on le fait, pourquoi les autres ne pourraient-ils pas le faire ? » Planter des arbres serait donc la solution ? Si l’argument peut être apprécié par le public, il s’avère que c’est une fausse solution. Parmi les principaux arguments, les scientifiques s’accordent à dire que ces arbres ne pourront engranger le CO2 suffisant qu’à partir de leurs 20 ans. De plus, la priorité est de s’attaquer à la déforestation et aux émissions de CO2 à la source.
1,5 milliard de touristes
En 2019, il y a eu 1,5 milliard d’arrivées de touristes internationaux à l’échelle mondiale. Un chiffre qui était en augmentation depuis 10 ans. La crise du COVID-19 a évidemment ralentit l’industrie du tourisme, mais la vaccination a lancé la reprise. Il s’agit donc de profiter de ce nouveau départ pour développer le tourisme durable. Ce tourisme s’appuie sur les trois piliers du développement durable : environnement (la nature, le patrimoine…), social (les employés, les habitants…) et économie (investissements, chiffre d’affaires…). Cette démarche peut donc être portée par un acteur du tourisme ou par un particulier. Elle vise simplement à prendre en compte les critères de durabilité dans les choix qui sont fait sur le déroulement d’une activité touristique, le choix du logement, des produits achetés, etc.
Se diriger vers un tourisme responsable nécessite donc une sensibilisation importante auprès des touristes. Une fois les enjeux en tête, ils peuvent orienter leurs choix vers des lieux et des pratiques plus durables pour l’environnement, les habitants locaux et l’économie locale.

Selon un sondage IFOP réalisé en 2021, les Français sont 61 % à être plus préoccupés par la préservation de la nature et de l’environnement qu’avant le début de la crise sanitaire, dans le cadre d’un prochain voyage. Cependant, la majorité ne sont pas prêts à payer plus cher pour un séjour, un moyen de transport ou un hébergement. Par contre, ils sont 88% a être favorables à l’instauration de quotas ou de restriction de visite à certains sites emblématiques pour les touristes afin de préserver leur environnement.
Car selon certains professionnels, des logements en bois au cœur de la forêt peuvent faire plus de dégâts qu’un important club de vacances qui va limiter son impact à une portion du littoral. Dans son livre Réinventer le tourisme, sauver nos vacances sans détruire le monde, Remy Knafou défend le fait qu’il est plus sage de concentrer les touristes dans les zones déjà prévues à cet effet comme les grandes stations balnéaires. Ainsi, le paysage alentour n’est pas détérioré et la population locale peut rester y vivre. Car élargir les zones touristiques implique plus de nuisance, de pollution, l’augmentation des prix des loyers, la concurrence avec les logements dédiés aux touristes, l’engorgement du trafic et la difficulté d’accès aux lieux de culture et au patrimoine.
Quotas, taxes et actions individuelles
De plus en plus de pays étudient les quotas et les taxes comme des solutions au tourisme de masse. Mais elles sont à nuancer car elles ne peuvent pas s’appliquer partout, ni de la même manière. Un pays pauvre, peuplé, qui ne vit que du tourisme ne peut pas mettre en place les mêmes mesures qu’un pays riche et touristique. Les Baléares par exemple, qui vivent essentiellement du tourisme, ont mise en place des mesures restrictives pour les touristes. En 2017, une loi a été adoptée pour freiner la croissance des offres illégales de locations touristiques et un plafonnement de la capacité d’accueil a été décidé. Des mesures qui visent à répartir la venue des touristes sur toute l’année. En 2019, cela a été couplé à une loi objectif zéro carbone.
L’Islande a interdit les paquebots de croisière utilisant du fioul lourd, majoritairement utilisé dans ce secteur et très polluant. Des taxes sur les voyages en avion sont également instaurées dans différents pays. L’Allemagne et les États-Unis taxent le carburant sur les voyages nationaux. En avril 2017, la direction générale des transports de la Commission européenne commande une étude que Le Monde a pu se procurer en 2019. Le journal écrit « L’étude recommande en effet d’introduire un prélèvement à hauteur de 33 centimes d’euros par litre de carburant, qui aurait pour effet de réduire de 10 % les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ». En France, la taxe de solidarité sur les billets a légèrement augmenté en 2020, elle sert désormais à financer les transports plus propres comme le ferroviaire.

Individuellement, nous pouvons faire des choix plus responsables pour préparer nos vacances. Pour aider les touristes à y voir plus clair, des labels se créent pour distinguer les hôtels, restaurants, campings, gîtes, chambres d’hôtes, résidences de tourisme, auberges de jeunesse ou villages vacances qui font l’effort d’entrer dans la démarche du tourisme durable. Le label Clef Verte par exemple indexe sa grille de notation sur une centaine de critères répondants à la gestion durable de l’eau, des déchets, de l’environnement ou encore des achats responsables. Les établissements s’engagent ainsi dans la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable de l’ONU. 714 hébergements touristiques et restaurants sont labélisés Clef Verte en France en 2021. D’une manière générale, même si certains établissements de tourisme durable sont positionnés comme étant haut de gamme, le séjour n’est pas plus cher que dans un complexe classique. Une fausse idée encore trop partagée.
Les villes aussi s’engagent, comme Paris par exemple. Jeudi 1er juillet, elle rendra le bilan de ses Assises du tourisme durable. Une réflexion sur nos modes de consommation en vacances qui prend de l’ampleur, pour devenir le modèle majoritaire dans quelques années ? En tout cas, c’est la voie que semble vouloir prendre l’ONU. Il y a deux ans, elle écrivait : « Le tourisme durable, y compris l’écotourisme, est une activité multisectorielle qui peut contribuer à la réalisation du développement durable dans ses trois dimensions, […] notamment en stimulant la croissance économique, en atténuant la pauvreté, en garantissant le plein emploi productif et un travail décent pour tous, en accélérant le passage à des modes de consommation et de production plus durables, en favorisant l’utilisation durable des océans, des mers et des ressources marines, en défendant la culture locale, en améliorant la qualité de vie, en donnant des moyens d’action économique aux femmes et aux jeunes, et en promouvant le développement rural et de meilleures conditions de vie pour les populations rurales ».