Ce que la France peut apprendre des autres pays dans la lutte contre le Covid-19 (1/3)
Tout aussi touchée que ses voisins européens, l’Allemagne affiche un taux de mortalité lié au Covid-19 très largement inférieur. Plusieurs pistes d’explication permettent de comprendre pourquoi.
Rues désertes, lieux publics fermés, rassemblements de plus de deux personnes interdits, emplois perdus… À première vue, l’Allemagne traverse la crise sanitaire actuelle comme le reste de l’Europe et du monde. Et pourtant, le pays semble plus épargné en termes de décès. Selon les données officielles du 3 avril, plus de 75 000 cas avaient été recensés, pour moins de 900 morts. Soit un taux de mortalité qui dépasse à peine les 1%, quand la France est à 7%, l’Espagne à 8% et l’Italie à près de 11%.
Comment expliquer ce chiffre alors que l’Allemagne n’est pas à l’abri du virus ? Le Dr Falley, qui officie à Liverpool, aimerait bien connaître la réponse. “On a 2,5 fois moins de cas en Grande-Bretagne, et pourtant trois fois plus de gens meurent du Covid-19 ici.” Le pays aurait-il trouvé une solution miracle ? Pas vraiment. Mais a agi vite et fort, comme l’explique Anna Sauerbrey, une journaliste berlinoise. “Des tests ont été mis en place très tôt, ce qui a permis de lancer des actions de quarantaine rapides.”
Ainsi, lorsque le premier cas a été enregistré en Bavière fin janvier, les autorités ont identifié en deux jours la personne qui avait infecté le patient, ont suivi ses contacts et les ont tous mis en quarantaine. Dans tout le pays, le schéma s’est répété. “Les services de santé locaux et les autorités fédérales ont collaboré pour tester, suivre et mettre en quarantaine les citoyens exposés, permettant de contenir au mieux l’épidémie”, détaille-t-elle. Angela Merkel elle-même s’est mise en quarantaine après avoir appris que son médecin était infecté. La chancelière a depuis été testée négativement.
Des seniors protégés
Plus vulnérables que le reste de la population, les personnes âgées ont été mieux protégées. Très vite, l’Allemagne a interdit les visites dans les établissements spécialisés, tandis qu’un message clair et urgent était envoyé à la population pour limiter les contacts avec les seniors. Résultat : seulement 3 % des personnes infectées ont plus de 80 ans, alors que cette tranche d’âge représente 7 % de la population. L’âge médian des personnes infectées en Allemagne est de 46 ans. Il est de 58 ans en France.

Le pays a par ailleurs très vite identifié l’origine du virus sur son sol, et a ainsi pu mieux s’en protéger. Grâce à des tests précoces et massifs, l’Allemagne a compris que les 14,5 millions de skieurs annuels du pays avaient rapportés des Alpes autrichiennes et du nord de l’Italie le Covid-19, et commençaient à le répandre.
Anna Sauerbrey évoque également le carnaval, et notamment les festivités dans la ville de Langbroich, d’où une centaine de cas a émergé. Ces fêtes et ces défilés, populaires auprès des jeunes, auraient participé à la hausse de l’incubation du virus chez des patients moins âgés, et donc moins exposés aux risques de décès.
“Le dépistage précoce et l’âge moyen des personnes touchées par le virus expliquent en partie pourquoi le taux de mortalité dans le pays est si faible, note le Dr Falley. Globalement, les pays qui font moins de tests et les réservent à ceux qui sont déjà très malades, comme l’Italie, ou ceux qui ont tardé à prendre des mesures d’isolement et de quarantaine, comme la Grande-Bretagne, ont des taux de mortalité plus élevés.”
Des statistiques à lire avec prudence
Reste que ces données sont encore incomplètes, puisque la pandémie n’a pas atteint son pic dans la plupart des pays du monde. D’ailleurs, le taux de mortalité allemand, s’il est toujours bien plus faible que celui de ses voisins, est passé ces derniers jours de 0,48% à 1,1%. “Il est impensable de tirer des conclusions si tôt, insiste le Dr Falley. On peut essayer d’apprendre les uns des autres, mais personne ne peut prévoir la manière dont l’épidémie va se développer.”

La preuve : en Allemagne comme ailleurs, les avis divergent sur l’évolution du virus et sur la capacité du pays à gérer les conséquences en termes de soins. Alors que l’Institut d’épidémiologie de Berlin affirme qu’il est “peu probable” que la situation soit comparable à celle de l’Italie, un document publié par plusieurs associations médicales, plus inquiet, prévoit que dans « un court laps de temps, il n’y aura pas suffisamment de ressources en soins intensifs pour traiter tous les patients”. Comme partout dans le monde, de plus en plus d’hôpitaux et de médecins allemands signalent les premiers manques de matériel vital ou d’équipements de protection.
Pour autant, au-delà des actions de dépistage et d’isolement précoces qu’elle a menées, l’Allemagne a au moins pour elle un système de santé récemment modernisé, économiquement solide et bien doté en personnel soignant. En outre, avec 823 lits d’hôpital pour 100 000 patients, et 6 lits en soins intensifs pour 1000 habitants (soit deux fois plus que la France), elle possède les meilleurs ratios d’Europe.