Depuis douze ans, l’association L.I.E.N met en relation des jeunes qui cherchent un logement avec des personnes âgées qui souhaitent rompre la solitude. Située en Basse-Normandie, elle s’occupe des départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne en territoire urbain et rural.
En 2003, l’épisode de canicule qui touche la France met en avant une problématique jusqu’alors peu traitée, celle de l’isolement des personnes âgées. L’année suivante, ce phénomène climatique inédit et ses conséquences (environ 15 000 morts) conduisent à la création d’une première association française de logement intergénérationnel à Paris. Rapidement, des structures similaires essaiment en France. C’est le début d’un réseau national, officiellement reconnu en 2015 sous la bannière de CoSI (Cohabitation Solidaire Intergénérationnelle).
Bien que chacune des vingt-huit structures (présentes en France et en Outre-Mer) possède un nom différent, elles sont coordonnées par les mêmes valeurs : la solidarité, le respect, la laïcité, la citoyenneté et la convivialité. La notion de rapport intergénérationnel et les papiers juridiques articulant les associations sont également similaires. Si ces associations agissent pour prévenir de l’isolement des personnes âgées en leur proposant des interactions humaines avec des jeunes, ces derniers y trouvent aussi une réponse à leurs besoins.
L’association L.I.E.N de Basse-Normandie a rapidement compris cet enjeu bilatéral. « À la base, ce sont des professionnels qui travaillent dans des centres de formation en alternance qui se sont rendus compte que les jeunes alternants avaient du mal à se loger » explique Caroline Leblanc, la coordinatrice de l’association. « Pour ces étudiants, il y a une réelle difficulté à cumuler deux loyers, celui d’un appartement à proximité de l’entreprise et le deuxième à côté du centre de formation. Ils a donc fallu réfléchir à développer des solutions de logement à moindre coût », poursuit-elle.
« Les jeunes nous parlent beaucoup de l’enrichissement de cette formule, d’apprendre d’une génération grâce à tout ce que va leur transmettre une personne âgée »
La promotion de cette alternative se fait par le biais de leur site internet, du bouche à oreilles, de la publication d’annonces sur des sites dédiés aux colocations et de l’écho médiatique. Mais alors, qui peut profiter de ces solutions et comment se mettent-elles en place ? Sont éligibles les jeunes, âgés de 16 à 30 ans, lycéens, étudiants, jeunes travailleurs, demandeurs d’emploi ou en alternance, avec un minimum de fibre sociale. Ceux qui souhaitent accueillir quelqu’un chez eux, doivent avoir plus de 55 ans, être à la retraite, en couple ou seuls et disposer d’un espace d’habitation libre.
Une fois ces critères remplis, le processus comprend trois étapes : une inscription en ligne, un entretien et une rencontre. « Les cohabitations s’effectuent en fonction des caractères avec une grande majorité de renouvellement des expériences de colocation », assure Caroline Leblanc. À la fin de l’initiative intergénérationnelle, les bénéficiaires sont soumis à des témoignages anonymes servant à établir des rapports annuels.
Des impacts positifs multiples
Les impacts des solutions mises en place par l’association sont multiples. Pour les jeunes, en particulier les étudiants qui quittent le nid familial pour la première fois, il s’agit d’une étape intermédiaire vers l’indépendance. Ils trouvent en ces personnes âgées « une sorte de guide dans une nouvelle ville, un cadre familial, quelqu’un sur qui compter en cas de problème », énumère Caroline Leblanc. Cette dernière évoque également « un cadre de travail plus calme qu’une colocation entre jeunes par exemple ». Enfin, il y a un intérêt pécuniaire non négligeable « notamment quand on observe le prix de certaines formations » : cela permet aux jeunes d’être logés à moindre coût.
Pour les personnes âgées, « la rupture de la solitude » est l’argument principal qui les conduit à accueillir des jeunes à leur domicile. Et cela présente bien d’autres avantages. Leurs soirées sont égayées par des discussions qui confrontent deux générations aux modes de vie différents mais pas antinomiques. « Cela interpelle les retraités que les jeunes utilisent autant leurs téléphones » s’amuse la coordinatrice de L.I.E.N. Ils peuvent rester chez eux le plus longtemps possible « en évitant de rentrer en maison de retraite », mais également percevoir un complément de retraite grâce au loyer. « Cet argent leur sert à payer le chauffage ou les impôts » affirme Caroline Leblanc.
Il existe pourtant des limites à cette initiative. En cours d’année, les personnes âgées peuvent décéder après un temps d’hospitalisation ou partir en maison de retraite. « Souvent, la famille permet que le jeune reste jusqu’à la fin de la scolarité mais ce sont des choses qui peuvent arriver avec des populations de cet âge » conclut Caroline Leblanc.
Au niveau national, le réseau CoSI recense aujourd’hui 1100 jeunes et seniors engagés chaque année, 30 départements couverts en France et en Outre-Mer. Des chiffres en constante augmentation.