S’informer moins pour s’informer mieux

Si l’information a longtemps été une ressource rare et difficile d’accès, ce temps est bel et bien révolu. Aujourd’hui, l’offre pléthorique et les nouvelles technologies permettent à chacun d’avoir accès à un flux gigantesque et continu d’information. À l’heure où un Français passe en moyenne 3h50 par jour devant la télévision et 2h55 sur son smartphone, peut-on choisir de couper les canaux ?

Et si s’informer moins, c’était s’informer mieux ?

Moins de dramatique

Pour retenir l’attention du cerveau, l’information carbure au dramatique. « Plutôt que d’utiliser calmement la raison, la télévision utilise souvent la peur pour faire passer ses messages, explique Noam Chomsky. C’est l’un des moyens les plus puissants pour attirer l’attention du public. Mais pourquoi? Nos réponses à la peur sont régies par une petite partie du cerveau, nommée l’amygdale, une sorte de noyau primitif au-delà de la portée de l’intellect humain. Le but de l’amygdale est de nous protéger. On est censé être stimulé lorsqu’on est confronté à un bruit fort ou à un mouvement soudain, parce que ça pourrait être un lion qui saute pour nous attaquer. C’est pourquoi il est presque impossible d’ignorer tout ce qui semble être une menace – qu’il s’agisse d’un lion ou d’une actualité effrayante… »

Les actualités sélectionnés par ces médias doivent donc être extraordinaires, créer des émotions et pouvoir “buzzer”. Or, les émotions négatives sont celles qui attirent le plus le spectateur : le biais de négativité nous pousse à être plus touchés par ce qui nous fait peur ou nous énerve. Comment avoir une représentation réelle du monde à travers ce prisme ?

Moins d’informations inutiles

Accéder à un flux continu d’information, via les chaînes d’actualité, les réseaux sociaux, les sites internet, c’est inonder son cerveau d’informations en grande partie inutile (le bruit versus le signal). Or, notre capacité à traiter et garder en mémoire des informations est limitée. La surabondance de bruit nous fait alors perdre notre capacité à filtrer les informations utiles et nous fait très vite oublier ces sujets.

« Nous pensons que si nous consommons plus d’informations, nous consommerons plus de signal. Or notre cerveau ne fonctionne pas comme ça, explique Shane Parrish , un entrepreneur qui travaille sur ce sujet. Lorsque le volume d’informations augmente, notre capacité à distinguer le pertinent du superflu est compromise. Nous mettons alors trop l’accent sur des données non pertinentes et perdons de vue ce qui est vraiment important. » Accepter de réduire la voilure, c’est donc se protéger et se focaliser sur les informations qui comptent réellement.

Un esprit critique plus aiguisé

Pour des raisons analogues, notre esprit critique est menacé lorsque l’on ingurgite trop d’information. En effet, pour gérer le flux continu qui nous parvient, notre cerveau est obligé de considérer de fait tout ce qu’il reçoit comme vrai, pour le traiter rapidement et passer à l’information suivante. Pour des raisons évidentes, privilégier une information lente nous pousse donc à réfléchir, à remettre en cause ce que l’on lit ou regarde, et à se forger nos propres opinions.

Se libérer du temps

S’informer moins, c’est aussi mécaniquement se libérer du temps. Du temps de loisir ou de sommeil par exemple, mais aussi du temps pour d’autres activités nécessitant notre attention. Car notre temps de concentration quotidien est limité, et le gaspiller en absorption de flux d’informations veut dire s’en priver pour d’autres activités.

Quant à la peur de « manquer » une information importante, elle sera vite évacuée. Car les informations qui le sont réellement finissent toujours par arriver jusqu’à nous, même quand on n’a pas de compte sur les réseaux sociaux…