Scandales sanitaires, effets néfastes sur l’environnement, expérimentation animale… Malgré les nombreuses problématiques liées aux cosmétiques, les marques naturelles restent une niche en France. En proposant une consommation limitée et des produits alternatifs, le mouvement slow se décline aussi sur ce secteur.
Pour en discuter, nous avons rencontré Constance Sycinski, coordinatrice générale de l’association Slow Cosmétique.
À quel problème s’attaque votre association ?
L’Association Slow Cosmétique milite depuis 2013 pour une consommation plus sensée des cosmétiques. Il faut savoir que 80 % des produits d’hygiène et de soin actuellement vendus partout dans le monde sont constitués de dérivés de pétrole et d’ingrédients polémiques pour la santé ou l’environnement. Plastiques liquides dans les gels douches et shampoings (rincés dans les égouts), perturbateurs endocriniens additionnés dans les déos, parfums et soins pour tous les âges… La Slow Cosmétique considère qu’il est absurde de produire et consommer des cosmétiques sans considération pour leur impact à long terme sur notre santé et encore moins pour les pollutions qu’ils génèrent. Plus absurde encore, l’industrie cosmétique nous impose un rythme de consommation effréné avec constamment de nouveaux produits marketés à outrance, forcément mieux (et plus chers !) que les précédents. Les consommateurs suivent les modes, zappant d’un produit à l’autre sans répit pour la peau. C’est ce que nous appelons le « brainwashing cosmétique ». Cette logique nous semble absurde et toxique, à la fois pour nos ressources qui s’épuisent, mais aussi pour notre moral et notre portefeuille, qui ne sortent jamais grandis devant une publicité anxiogène (et très retouchée) ou associée à un luxe trompeur.
Qu’est-ce que la Slow Cosmétique ?
C’est un mouvement de consommation qui propose de consommer moins, mais mieux. Moins, en utilisant des produits simples et multi-usages comme de l’huile végétale pour les soins par exemple, et mieux, en privilégiant des ingrédients nobles, peu transformés pour les soins, et durables. La Slow Cosmétique doit être à la fois : écologique (non polluante et naturelle), saine (sans ingrédient polémique pour la santé), intelligente (pensée de façon polyvalente et durable, avec un ancrage local et artisanal) et raisonnable (avec une approche simple, accessible et un rapport qualité-prix cohérent qui rémunère au juste prix tous les acteurs de sa chaîne de production). Ces 4 piliers sont indissociables pour parler de Slow Cosmétique.
Quelles solutions proposez-vous à travers l’association ?
On valorise et promeut toute l’année des alternatives écologiques, saines et artisanales à la fois. À travers des campagnes militantes qui sensibilisent le public, mais aussi des événements (conférences, ateliers…), on informe et accompagne les gens dans leur transition Slow à la salle de bain. Le Mag de la Slow Cosmétique est ainsi une source inépuisable de conseils, astuces et recettes très utiles quand on apprivoise des produits méconnus comme une huile végétale, un hydrolat ou une argile.
Concrètement, comment cela fonctionne ?
Le mouvement s’articule autour de plusieurs actions et outils qui œuvrent à faire émerger de façon collaborative des alternatives sensées en cosmétique. Pour cela, nous travaillons à changer les habitudes des consommateurs en éveillant d’abord leurs consciences (savez-vous de quoi sont faits vos produits ? Avez-vous vraiment besoin de tout ça ?) puis en leur faisant découvrir des artisans engagés dans une démarche locale, responsable et en circuit court.
Comment mesurez-vous l’impact de votre initiative et qu’avez-vous observé ?
Depuis la parution du livre fondateur, Adoptez la Slow Cosmétique, en 2012, l’intérêt du public et des médias va croissant et notre mouvement compte aujourd’hui près de 200 000 fans, qui suivent nos actions et nos actualités via nos réseaux sociaux, nos newsletters et nos événements en régions.
Plus concrètement, notre action a permis la création de dizaines d’emplois dans les TPE et PME que nous soutenons dans neuf pays, ce dont nous sommes très fiers, car c’est ainsi l’économie de proximité qui gagne ! Le nombre de marques cosmétiques souhaitant être examinées par notre jury bénévole augmente également chaque année, de même que les sollicitations de toutes parts. À l’heure où la planète entière s’interroge sur ses modes de consommation, l’alternative positive que constitue la Slow Cosmétique devient incontournable et nous nous en réjouissons, car cela ramène du sens dans nos gestes d’hygiène et de beauté quotidiens. Concernant le marché plus global des cosmétiques, l’utilisation que nous soutenons de produits zéro déchet (shampoings ou déos solides, lingettes lavables et cure-oreilles durables), par exemple, est documentée et chiffrée : elle permet d’éviter qu’une personne jette chaque année en moyenne 12 à 20 flacons de gels douches et shampoings, 1500 cotons démaquillants et 730 coton-tige.
Quelles difficultés rencontrez-vous aujourd’hui ?
Notre difficulté majeure est liée à l’émergence rapide d’une cosmétique faussement naturelle, qui se présente comme « écologique » alors qu’elle ne l’est pas ou très peu. Ce subterfuge marketing, appelé « greenwashing » prend une ampleur énorme face à la demande croissante de cosmétiques « verts », et il devient encore plus difficile pour le public de repérer les marques vraiment engagées au milieu de celles qui en ont juste l’air. En outre, les grands groupes cosmétiques sortent tous peu à peu une gamme « bio » pour répondre à la demande, tout en continuant à côté de produire à l’identique leurs gammes classiques. C’est une incohérence qui marque l’absence d’un engagement global et honnête de la marque.
Quelles limites avez-vous pu observer à votre solution ?
Les alternatives que l’on propose peuvent parfois surprendre et déstabiliser car leurs effets peuvent bousculer les habitudes. Certains consommateurs ont du mal à passer au shampoing sans sulfates ni silicones par exemple, car les cheveux sont moins souples et moins faciles à démêler. Dans le même esprit, on perd aussi un peu de confort d’application pour les crèmes solaires, car elles ne contiennent que des filtres minéraux. Il est donc parfois difficile, même pour un public sensibilisé, de franchir le cap.